Projets de Recherche

Tetiaroa: Conséquences de la restauration d’un atoll sur les oiseaux marins, les crabes terrestres et le fonctionnement des écosystèmes.

Panorama paysage d'île

Vue du hoa entre Hiranae et Auroa, avec Jayna lors du comptage mensuel des oiseaux marins nicheurs.

Tetiaroa est un atoll à 50 km au nord de Tahiti. Gérant la majeure partie de cet atoll, la Tetiaroa Society mène un ambitieux programme de restauration de l’atoll, visant à le ramener à un état proche de la période pré-humaine. Une étape clé de ce programme est l’élimination des espèces exotiques envahissantes à fort impact, y compris les rats noirs et polynésiens, et les fourmis folles jaunes. L’élimination de ces espèces offre également une opportunité unique de suivre la réaction de l’écosystème à cette manipulation.

Carte d'éradication des rats

L’atoll de Tetiaroa comprend douze motu (= îlots) avec différentes histoires d’invasion / éradication de rats. En 2022, les rats seront éradiqués de l’ensemble de l’atoll. Diverses espèces de crabes sont affectées par la présence de rats, dont les crabes fantômes (Ocypode ceratophthalma, à droite), qui sont prédatés par les rats. Les rats sont aussi des compétiteurs directs des crabes terrestres (Cardisoma carnifex, en haut à gauche), ingénieurs des écosystèmes terrestres de ces îles coralliennes. La présence de rats est donc susceptible d’affecter cette espèce, avec des conséquences potentielles sur le fonctionnement des écosystèmes. Dans ce projet, nous exploitons ce contexte quasi expérimental pour étudier les changements de comportement, de morphologie et d’abondance des crabes en réponse au retrait de rats, et les conséquences de ces changements sur les populations et communautés de crabes, et sur les écosystèmes qu’ils occupent.

Sur un atoll intact, le fonctionnement des écosystèmes dépend fortement des oiseaux de mer et des crabes. Grâce à leurs déjections, les oiseaux de mer nicheurs apportent des nutriments (par exemple, de l’azote) provenant de l’environnement marin environnant, enrichissant des écosystèmes autrement limités en ressources. Des travaux récents suggèrent que les rats envahissants pourraient perturber ces apports de nutriments en réduisant les populations d’oiseaux de mer, diminuant ainsi la productivité des environnements terrestres et marins environnants. D’autre part, les crabes terrestres omnivores dominent la faune terrestre résidente et jouent eux aussi un rôle clé dans les écosystèmes des atolls terrestres. Ils sont à la fois prédateurs et charognards, et influencent la dispersion des graines, le recrutement des plantules et la dynamique de la litière. Ils sont ainsi appelés « ingénieurs des écosystèmes ».
Carlee installant une caméra de surveillance pour mesurer l’activité des crabes et des rats.
Picture 2
Picture 2

Carlee installant une caméra de surveillance pour mesurer l’activité des crabes et des rats.

En étudiant la variation spatio-temporelle des communautés d’oiseaux marins et de crabes terrestres, ce projet vise à mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes des atolls en général, tout en mesurant l’impact de l’élimination des espèces envahissantes sur ces deux groupes taxonomiques. L’obtention d’une bourse de recherche de la Fondation Fyssen nous permettra d’équiper les crabes terrestres de pit-tags pour suivre leur survie

Great crested terns
Brown boobies
Great crested terns
Brown boobies

Dix espèces d’oiseaux marins nichent à Tetiaroa, dont la sterne huppée (Thalasseus bergii, à gauche) et le fou brun (Sula leucoptera, à droite).

Dix espèces d’oiseaux marins nichent à Tetiaroa, dont la sterne huppée (Thalasseus bergii, à gauche) et le fou brun (Sula leucoptera, à droite).

Ce projet est hautement collaboratif : plus de 12 (!) équipes de recherche du monde entier étudient l’impact des programmes d’élimination des espèces envahissantes sur les écosystèmes de Tetiaroa (voir le site Web de la Tetiaroa Society).

View of the hoa between Tiaraunu and Tauini

Vue sur la hoa entre Tiaraunu et Tauini

Et la fourmi folle jaune ?


Les fourmis folles jaunes (Anoplolepis gracilipes) étaient présentes sur quatre motus de Tetiaroa, et ont atteint des densités très élevées sur l’un des plus préservés, ‘A’ie, où elles avaient déjà des impacts négatifs évidents sur les communautés d’oiseaux marins et d’invertébrés. En collaboration avec la Tetiaroa Society FP, nous avons obtenu en 2022 le financement nécessaire de l’OFB pour éradiquer cette espèce de l’atoll avant qu’elle ne se propage davantage.

Classée parmi les 100 espèces invasives au plus fort impact au niveau mondial par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la fourmi folle jaune est désormais présente sur plus d’une trentaine d’îles dans les quatre archipels de la Polynésie française. Pour développer un meilleur contrôle de cette espèce envahissante en Polynésie française, nous avons testé divers appâts et mis en place un protocole d’éradication de l’espèce sur l’ensemble de l’atoll de Tetiaroa, tout en étudiant l’impact des fourmis et des appâts anti-fourmis sur les oiseaux marins et les crabes terrestres. Miléna Philip a rejoint l’équipe en janvier 2022 pour enquêter sur ces questions dans le cadre de son projet de master 2 en 2022 puis pour organiser cette éradication en tant que technicienne d’août 2022 à juin 2023. Solène Fabre a pris le relais en juin 2023. Avec l’aide de plusieurs équipes de bénévoles très motivés, tous les traitements ont été effectués, et Solène conduit maintenant le suivi post-traitements.

Répartition des fourmis folles jaunes

Répartition des fourmis folles jaunes (Anoplolepis gracilipes) envahissantes à Tetiaroa. Les photos de gauche présentent les cinq espèces d’oiseaux marins nichant au sol à Tetiaroa, les plus susceptibles d’être affectées par les fourmis (de haut en bas : noddi brun Anous stolidus, fou brun Sula leucogaster, sterne huppée Thalasseus bergii, sterne à dos gris Onychoprion lunatus et sterne fuligineuse Onychoprion fuscatus). Les trois images en haut à droite montrent trois des espèces de crabes terrestres de Tetiaroa qui peuvent être affectées par les fourmis (de haut en bas : Ocypode ceratophthalmus, Cardisoma carnifex, Coenobyta perlatus). Les deux photos en bas à droite illustrent les impacts des fourmis folles jaunes sur les oiseaux (poussin de noddi brun à’A’ie) et les crabes (crabes rouges de l’ile Christmas Gecarcoidea natalis, dans l’Océan Indien).

Communautés d’oiseaux terrestres de Polynésie française – interactions entre espèces introduites et indigènes


Birds of French Polynesia
Des oiseaux originaires de presque tous les continents ont été introduits à Tahiti et dans d’autres îles de la Polynésie française. Ces espèces exotiques sont maintenant les oiseaux les plus couramment observés à travers le pays.

Les communautés d’oiseaux terrestres de Polynésie française sont largement dominées par les espèces introduites, au point où, notamment à Tahiti, la plupart des espèces indigènes sont difficiles à observer alors que les espèces introduites font partie du quotidien des Polynésiens, étant particulièrement présentes dans les zones anthropisées. Comment les espèces indigènes et introduites interagissent reste cependant mal compris, et une évaluation globale des structures des communautés d’oiseaux terrestres dans les différents habitats est nécessaire pour comprendre les impacts potentiels des oiseaux introduits sur les espèces indigènes. A l’aide de points écoute et de transects, mais aussi d’outils de bioacoustique (enregistreurs acoustiques automatiques), nous caractérisons la structure des communautés d’oiseaux terrestres dans divers habitats, le long de gradients de développement urbain et à diverses altitudes sur les différentes îles de la Polynésie Française. Depuis avril 2021, et grâce notamment à un financement de la Fondation Fyssen, nous avons mené ce suivi sur sept iles hautes et un atoll de la Société, quatre iles de l’archipel des Australes et sept atolls des Tuamotu (voir notre interview à la télévision locale : Polynésie la Première, TNTV).

Les îles hautes des Marquises seront notre prochaine destination pour y mener ce suivi. Cette caractérisation des communautés d’oiseaux terrestres servira de référence pour étudier l’impact d’espèces introduites spécifiques sur les oiseaux indigènes, et pour surveiller les changements futurs en effectuant régulièrement ces relevés. Grace à des collaborations avec des associations locales (e.g., rima’ura à Rimatara), des enregistreurs acoustiques automatiques sont également suivis régulièrement afin de mesurer la saisonnalité des comportements acoustiques des oiseaux.

Nous lançons en 2024 une étude du comportement du martin triste à Tahiti (ainsi qu’ailleurs en Polynésie pour l’étude des dortoirs de cette espèce) dans le cadre du stage de M2 d’Emma Pilleboue.

Approches à l’aide d’analyses comparées – prédire l’impact global des espèces invasives, favoriser la réussite des programmes de réintroduction, comprendre l’impact de l’urbanisation sur les espèces indigènes


Certaines espèces semblent avoir une capacité particulière à s’établir avec succès après un événement de translocation, et à s’adapter à leur nouvel environnement. De même, l’impact de l’urbanisation varie considérablement d’une espèce à l’autre, et le succès de la translocation et l’adaptation aux environnements urbains ont tendance à être prédits par des traits similaires. Le cycle biologique, la diversité génétique, la largeur de niche écologique et la plasticité comportementale des espèces sont quatre composantes théoriquement supposées déterminer cette capacité d’établissement et d’adaptation aux environnements urbains, mais leur importance reste mal connue. À l’aide d’analyses comparées, nous visons à étudier leur importance relative dans ces différents contextes (succès d’introduction d’espèces exotiques envahissantes, succès de translocation à des fins de conservation et réponse à l’urbanisation).

En utilisant ces mêmes méthodes d’analyses statistiques, nous nous intéressons également à l’étude de questions liées à la diversification des oiseaux, à l’évolution des stratégies d’histoire de vie et de comportement des vertébrés (et en particulier des oiseaux), et à l’impact des variations de stratégies d’histoire de vie et de comportement des vertébrés sur la réponse des espèces aux changements environnementaux actuels.

Limicoles et oiseaux aquatiques de Polynésie française : saisonnalité et sélection de l’habitat


Nous disposons encore d’assez peu d’informations sur les oiseaux d’eau de Polynésie française. Grâce à des transects et des points d’écoute réguliers, nous visons à caractériser les variations saisonnières et spatiales de la répartition des limicoles migrateurs, mais aussi des oiseaux d’eau résidents.

Frégates des îles hautes de Polynésie française : variation saisonnière de plumage et d’abondance


Les frégates se reproduisent principalement sur les atolls inhabités de Polynésie française, y compris à Tetiaroa. Pour mieux comprendre leurs cycles annuels, ainsi que l’utilisation des îles hautes par les deux espèces de frégates présentes en Polynésie française, nous enregistrons systématiquement toute observation de frégate dans les îles hautes, identifiant l’espèce, l’âge et le sexe des individus, et recueillant des informations sur les variations de plumage observées.
Frigatebirds

Les frégates ariel (Fregata ariel) et du Pacifique (F. minor) présentent une variation substantielle de plumage en fonction de l’âge et du sexe.